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Michel Barnier, celui qui « coche toutes les cases » mais reste peu connu en France

Sa voix, douce et monocorde, est étouffée par le masque. Le patron de la Licorne a beau tendre l’oreille, il n’entend pas bien Michel Barnier venu visiter sa brasserie, vendredi 22 octobre, à Saverne (Bas-Rhin), près de Strasbourg. Silhouette élancée, costume impeccable et cheveux argentés, le candidat à l’investiture du parti Les Républicains écoute, appliqué, ce « brasseur de père en fils » lui parler amidon et céréales. En partant, il croise deux salariés. « J’ai visité votre entreprise, les hèle le Savoyard, sympa et pro !
– Vous avez goûté nos bières, alors ? gloussent-ils.
– Oh, il ne faut pas que je boive trop… vous savez ! », sourit Barnier.
Les salariés lui lancent un regard interdit. L’invité comprend qu’il doit se présenter : « Michel Barnier, candidat à la présidence de la République. » Ses interlocuteurs écarquillent les yeux, puis s’esclaffent : « Ah bon ? Ce n’est pas Zemmour, le candidat ? »
Peu connu en France, n’ayant jamais joui d’une grande aura au sein de sa famille politique, l’ancien négociateur du Brexit a du chemin à faire avant le congrès de LR qui désignera son candidat, le 4 décembre. Il a installé son QG juste derrière l’Elysée, et confié la direction de sa campagne à l’ancienne conseillère de Jacques Chirac, Marie-Claire Carrère-Gée, secondée par un noyau de parlementaires, dont Brigitte Kuster, Arnaud Danjean, Patrick Hetzel, François Cornut-Gentille, Olivier Marleix ou encore le trésorier du parti, Daniel Fasquelle. Le maire de Meaux, Jean-François Copé, qui le reçoit lundi 25 octobre dans sa ville, voit, lui aussi, d’un bon oeil sa candidature.
Michel Barnier veut croire que sa longue expérience dans les arcanes du pouvoir constitue un atout maître : élu plus jeune conseiller général de France à 22 ans, en 1973 ; benjamin des députés ; plus jeune président du conseil départemental de Savoie ; quatre fois ministre (environnement, en 1993 ; affaires européennes, en 1995 ; affaires étrangères en 2004 ; agriculture, en 2007) ; deux fois commissaire européen ; et négociateur du Brexit. Sans oublier son premier fait d’armes, dont il ne cesse de se référer trente ans après, l’organisation des Jeux olympiques d’Albertville en 1992. « Il coche toutes les cases, résume le député LR François Cornut-Gentille. Les gens recherchent une figure présidentielle, il peut l’incarner. »
L’accord du Brexit a pesé lourd dans sa décision de se présenter à la présidentielle en France, qu’il a pourtant quittée quinze ans au profit de la technostructure bruxelloise. La fréquentation des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE, côtoyés quatre ans dans l’enceinte du conseil européen, lui aurait retiré tout complexe, selon ses proches. Barnier s’est même fait applaudir – une rareté – par les Vint-Sept, qui ont loué son art du consensus, sa patience et sa ténacité. Dans les couloirs de l’austère Berlaymont, même le très provocateur président hongrois, Viktor Orban, l’apprécie : « Le seul Français de ce niveau qui nous dise bonjour. » « C’est un bon négociateur, inclusif, il était très proche de nous, confirme le secrétaire d’Etat aux affaires européennes, Clément Beaune. Il a acquis une certaine stature et n’a pas eu envie de raccrocher les crampons. »
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